Graphiste de formation, anciennement professeure d’Université en Chine, Meng Juan s’est tournée vers la sculpture en céramique suite à quatre années d’études en arts plastiques en France. Très colorées, ce sont tout d’abord des cucurbitacées que nous découvrons. Une sensation d'inquiétante étrangeté s'empare de nous. Par chance, les couleurs joyeuses nous apaisent rapidement.

 

Présentées en groupe, les créations de Meng Juan suggèrent la pression sociale exercée par un nombre réduit d’individus sur le plus grand nombre, insinuant l’anxiété qui en découle. Juan nous fait part de son ressenti en dénonçant des attitudes sociales révélant le malaise ambiant généré par la surveillance. En conformité du concept nodal inhérent au monde qu’elle se crée, l’artiste réalise des sculptures vernissées dont la surface est truffée d’yeux grands ouverts. Par le subterfuge du monstrueux inoffensif et croquignolet, Juan nous invite aimablement à prendre conscience du constat social et politique d’un mal-être général qui semble insurmontable ; nous sommes épiés. Dans la théorie du Fengshui, le cactus symbolise la protection. Qui n'a pas entendu dire qu'il fallait mettre un cactus près de son poste de télévision afin de neutraliser les ondes maléfiques issues du tube cathodique ?

 

Ces mains gantées de blanc, de ce blanc coercitif qui semble nous dire : « stop !», se voient affublées de pics métalliques rouge. Des mains-cactus ensanglantées, gantées à la manière des personnages du cinéma d'animation des années 1920, gigantesques comparées à la normalité, dont certaines sont décorés de paysages traditionnelles de l’époque Ming, font penser à des bornes venant séquencer, dans l’espace d’exposition, nos déambulations naïves mais cependant craintives. La combinaison du blanc et du rouge force toute la symbolique de l'interdiction à se révéler, à être dûment nommée. Usant de techniques traditionnelles appliquées à des formes contemporaines, pensées comme des avertissements, ces réalisations semblent menaçantes, mais ne sont en fait que le miroir de nos déraisons.

 

Ce que présagent les sculptures de Juan n'est que le reflet d'une vérité acquise. La vie en société, voyeuse et agressive, en mutation constante du point de vue des rapports inter-humains, est un terrain miné. La promiscuité met à l'épreuve les citoyens les plus respectueux des lois, les plus dociles. La politique mondiale de pacification des peuples, si elle a existé un jour, ressemble à une tartufferie. Cette tartufferie, Juan en mesure les excès, les méthodes pour y parvenir. Dénoncer un monde en plein déni semble une gageure. Mais Juan ne manque pas de ressources. Au travers d’une vision poétique non dénuée d’humour lui-même teinté de sarcasmes visuelles, l'artiste nous met en garde contre certaines dérives aberrantes voire absurdes, faisant de nos vies un enfer. Après s'être attaquée au sens de la vue, du toucher, Meng Juan s'attaque à celui de l'ouïe : des champs de lithops, ces jolies petites plantes-cailloux si surprenantes, seront parées d'une interdiction de s'exprimer. Ce travail, en cours à l'heure actuelle, augure d'une suite symbolique où le végétal supplante l'humain dans la représentation. Un humain passif, en passe de devenir un légume, tant il abdique en déposant les armes du langage d'apaisement, en vertu du bon sens, face au premier qui parle le plus fort...

La bataille ne semble pas gagnée.